My name is Monique
Alors que je travaille depuis des jours à la réécriture d’un très mauvais roman qu’il s’agit de rendre publiable (pas une mince affaire), alors que je manie avec dextérité (euh… ?) les subjonctifs imparfaits jusqu’alors inconnus de l’auteur et que je traduis en français des idées exprimées en petit nègre, alors que je supprime les innombrables répétitions, les collections d’adjectifs inutiles et inappropriés, les effroyables clichés, les anachronismes, les anglicismes et les impropriétés, alors, somme toute, que je réécris le texte d’un auteur qui est peut-être un raconteur d’histoires mais pas un écrivain, je réalise combien il peut être pénible de devoir gagner sa croûte. Et cela me fait repenser à un personnage célèbre de l’histoire montréalaise dont je ne vous ai encore jamais parlé : Monica la mitraille, que j’ai découverte grâce au film éponyme.
Féministe avant l’heure (c’est comme ça que je la vois), Monica la mitraille (en anglais «the Machine Gun Molly»), de son vrai nom Monique Sparvieri, est passée à la postérité en cambriolant des banques pour nourrir ses enfants. Grisée par le succès, elle a fini par crever sur le trottoir, une balle dans la peau.
Fille aînée d’une famille pauvre du quartier du Red Light, près du boulevard Saint-Laurent, également appelé la Main , Monique entra dans la vie active en tant que danseuse et prostituée. Elle réussit à se sortir de la misère en épousant un cambrioleur d’origine écossaise, Michael Burns, qui l’abandonna avant la naissance de leur second enfant, l’enfoiré. Elle épousa alors Gaston Lussier, un braqueur de banque dont elle devint la complice. Lorsque celui-ci fut jeté en prison, elle poursuivit son activité lucrative et criminelle aux côtés de son nouvel amant, Gérald Simard, se dissimulant sous une perruque blonde et de larges lunettes de soleil. Activement recherchée par la police, Monique fut finalement abattue par la police en 1967, à la suite du braquage d’une caisse populaire dans le nord de Montréal. Elle avait 27 ans.
Bien que s’attachant surtout à décrire les amours tumultueuses de Monique et son caractère survolté, ce film – pas vraiment un chef d’œuvre – m’a permis de mieux connaître l’histoire de ma ville d’adoption. Et ça j’aime.
J’ai ainsi découvert l’existence du Red Light, un quartier pauvre situé dans le Centre-Sud de la ville, délimité au sud par le boulevard René-Lévesque, au nord par la rue Sherbrooke, à l’ouest par le boulevard Saint-Laurent et à l’est par la rue Saint-Denis. (NB : on l’étend parfois jusqu’à la rue Bleury à l’ouest et jusqu’au Vieux-Montréal au sud.) Le terme Red light, signifiant «lumière rouge», désigne une zone de prostitution. Il fait référence à la pratique qu’avaient les maisons closes de signaler leur existence en allumant une lanterne rouge sur leur seuil. Cette pratique aurait elle-même une origine biblique. Rahab, une prostituée, cacha dans sa maison deux hommes, émissaires des Hébreux qui s’apprêtaient à prendre possession de la ville de Jéricho et à tuer tout le monde en passant. En remerciement, ceux-ci promirent de lui laisser la vie sauve. Pour être identifiée, elle devait accrocher un fil rouge à sa fenêtre. (Avouez que vous êtes sidérés par mon immense culture !! Pour plus de détails, voir le livre de Josué.)
L’origine de ce quartier remonterait aux débuts de la Confédération canadienne (j’avoue que je suis encore trop ignorante pour donner plus de détails). Pendant près de 70 ans, il fut le royaume du crime organisé et les pouvoir politiques ne parvinrent pas à enrayer sa croissance. Il faut dire que les pots-de-vin dissuadaient la police de faire trop de zèle. Dans les années 1960 y fleurissaient les commerces illicites, prostitution, jeu et débits de boissons. Le quartier était alors sous le contrôle de Morissette, à l’est, et des anglais, à l’ouest. C’est Jean Drapeau, maire de Montréal de 1954 à 1957 puis de 1960 à 1986, qui parvint finalement à, non pas mettre un terme, mais largement endiguer l’activité du quartier en durcissant les lois municipales.
Aujourd’hui le Red light a disparu mais pas la prostitution et la Main est encore le cœur du night life montréalais (NB : je sais que cela paraît difficile à croire mais les pitounes qui arpentent ses trottoirs le samedi soir ne sont pas – a priori – des prostituées, héhé.)
Bref tout ça pour dire que, quitte à me tuer à la tâche, je devrais peut-être envisager de me reconvertir en braqueuse de banque… Après tout je suis déjà blonde à lunettes !
Sur ce je vous laisse : faut que je comprenne ce que peut bien être un «exhibit»…
Aurélie, laissez-nous rêveeeeeeeeeeer… !