Identité québécoise?
J’ai beau ne pas m’intéresser de très près à la politique, il me semble que le débat sur les accommodements raisonnables et les travaux de la commission Bouchard-Taylor – la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement liées aux différences culturelles –, créée il y a quelques mois, ont viré en repli identitaire d’assez mauvais augure.
Cette fameuse commission, créée hâtivement et opportunément par Jean Charest comme solution à un problème qui n’en était probablement pas vraiment un, visait à donner la parole aux citoyens. Elle s’est donc trimballée un peu partout au Québec et a recueilli les témoignages et les opinions. Or, comme chacun sait (!), si donner la parole au peuple est une formidable idée en théorie, en pratique, cela permet surtout à la peur, à la haine et à l’imbécillité de s’exprimer à pleins poumons. D’après ce que j’ai pu constater à travers les comptes rendus quotidiens dans les médias, c’est exactement ce qui s’est produit. L’Église catholique a finalement décidé de mettre son grain de sel dans le débat en affirmant que, si le Québec se sentait menacé par les diverses religions de ses immigrés, c’était parce qu’il avait lui-même perdu la foi et que la solution pour redonner une véritable identité à la population « pure laine » était, entre autres, de rétablir l’enseignement religieux à l’école. Ben tiens.
Récemment, après l’ADQ qui fit de la dénonciation des accommodements raisonnables son cheval de bataille durant la dernière campagne électorale, ce fut au tour du Parti Québécois de jeter un pavé dans la marre, avec son projet de loi sur l’identité.
Voici quelques citations glanées le site Internet du Parti Québécois :
« Le Parti Québécois souhaite que soit instituée une citoyenneté québécoise. Cette citoyenneté serait offerte à tous les citoyens nés et domiciliés actuellement au Québec et détenant la citoyenneté canadienne. Cette citoyenneté serait également attribuée à tout immigrant qui serait en mesure de démontrer une connaissance appropriée de la langue française et du Québec. »
« La création d’une citoyenneté québécoise constituerait une assise solide à notre identité pour bien affirmer ce que nous sommes. Nous traduisons ainsi un souhait largement exprimé par les Québécois au cours de la dernière année », a soutenu la chef du Parti Québécois. » (c.-à-d. Pauline Marois, NDMM – Note De Moi-Même.)
« Pour mieux interpréter les droits individuels et afin de mieux baliser le débat sur les accommodements raisonnables, le Parti Québécois propose d’inclure le texte suivant dans la Charte des droits et libertés de la personne : "Dans l’interprétation et l’application de la présente Charte, il doit être tenu compte du patrimoine historique et des valeurs fondamentales de la nation québécoise, notamment de l’importance d’assurer la prédominance de la langue française, de protéger et promouvoir la culture québécoise, de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes et de préserver la laïcité des institutions publiques." »
« La francisation en milieu de travail est un enjeu majeur, particulièrement dans un contexte de mondialisation. »
« Le projet de loi prévoit que les personnes immigrantes concluent un contrat d’intégration avec la société québécoise. Ce contrat, d’une durée de trois ans, inclut l’obligation de faire l’apprentissage de la langue française. En contrepartie, le gouvernement s’engage à fournir l’aide et l’accompagnement nécessaires pour l’apprentissage du français et l’intégration au milieu du travail. »
« "Les Québécois sont ouverts et tolérants. Ils veulent s’ouvrir au monde. Mais pour le faire, il faut que les fondations de la maison soient solides. C’est ce que nous proposons avec une loi sur l’identité, une constitution, une citoyenneté, des valeurs communes fortes et clairement affirmées. Les gestes que nous posons aujourd’hui renforceront l’identité québécoise et contribueront à la construction de la nation du Québec ", a poursuivi Pauline Marois. »
…
Notons que le Parti Québécois semble avoir perdu de vue un fait essentiel : le Québec n’est pas un pays, la citoyenneté québécoise ne peut donc pas exister (du moins pas pour l’instant). On sait que l’opportunisme tient lieu de loi en politique, mais là, franchement…
Précisons toutefois, comme me l’a fait remarquer une lectrice (merci Anaïs!), que ce principe de citoyenneté dans la citoyenneté est dors et déjà en vigueur dans certains pays, dans le but de respecter les particularités de certaines minorités (je vous recommande de lire l’article fort instructif du Devoir à ce sujet). Hum. Bon, soit.
En ce qui me concerne, je suis fermement en faveur de la laïcité et je soutiens sans réserve la protection de langue française.
Il faut cependant savoir que, alors que tout le monde proteste à cor et à cri contre ces maudits accommodements généralement d’origine religieuse, certains hommes politiques québécois refusent obstinément que l’on retire les crucifix des salles municipales. On s’indigne, on s’émeut, mais on ferait mieux d’ouvrir le dictionnaire… Laïcité : principe de séparation, dans l’État, de la société civile et de la société religieuse. Traduction libre de votre « serviteuse » : principe auquel est résolument contraire l’affichage de signes religieux à la mairie, et plus encore la prière matinale du conseil municipal (oui, oui, il y en a qui la prônent). Extrapolation libre, toujours de la même « serviteuse » : le Québec, bien qu’il soit d’une certaine façon devenu antireligieux (rappelez-moi de vous parler un jour de la Grande Noirceur et des excuses récente du cardinal Ouellet), n’est pas laïc pantoute. À défaut de « préserver » sa laïcité, peut-être pourrait-on tout bonnement l’instaurer, une bonne fois pour toute. Enfin moi, je dis ça… c’est un avis personnel, hein.
Quant au test de français évoqué par le PQ, je suggère que les Québécois « de souche » le passent au même titre que les immigrants. D’après ce que j’ai pu observer, notamment dans le cadre de mon travail (je rédige, je révise, j’échange moult courriels), un bon paquet d’entre eux échoueront (et ils ont pourtant eu plus de trois ans pour l’apprendre…). C’est le PQ qui aura l’air malin.
Bref, par pitié, arrêtons la chasse aux sorcières et l’hystérie collective. Pour un peu, on pourrait nous prendre pour des Américains…
Aurélie, Nietzsche avait tort, Dieu n’est pas mort.
P.S. 1 – Pour ceux que cela intéresse, le texte du projet de loi du PQ se trouve ICI.
P.S. 2 – Cliquez ICI pour lire un très intéressant article de La Presse brisant certains mythes, merci.