Temps des Fêtes
Tout Français (et toute Aurélie) se trouvant au Québec entre novembre et janvier est amené découvrir un concept qui lui était étranger jusqu’alors : le temps des Fêtes. Car voyez-vous, le temps des Fêtes, avec un F majuscule à Fêtes, n’est pas ce que l’on croit, à savoir trois mots désignant une période festive de l’année.
D’abord, « temps des Fêtes » ne peut désigner que la période précédant Noël et le Nouvel An. On a certes le droit de faire la fête à un autre moment de l’année, et même d’entrer dans un état d’hystérie collective plusieurs semaines avant, mais pas d’appeler ça le « temps des Fêtes ». Exemple : Marie-Charlotte et Gontrand ont décidé de se marier. Entre la réservation de la salle, de l’église, le choix de la bague, de la robe, du traiteur, de la sono, le plan de table et tout le tintouin, ils commencent à organiser leur fête à eux un an à l’avance, voire deux quand belle-maman prévoit d’inviter tout le bottin mondain. Cette période d’effervescence à laquelle sont soumis – de gré ou de force – tous les membres de la famille ne s’appelle pas le temps des Fêtes (cela peut en revanche s’appeler le temps des Cauchemars). C’est sans doute pour cela qu’on met une majuscule à « Fêtes » dans « temps des Fêtes ». Le mariage de Marie-Charlotte et Gontrand est une fête à f minuscule.
Ensuite, le temps des Fêtes est une fête en soi. Ainsi on se souhaite volontiers « un joyeux temps des Fêtes ». La question est : à partir de quand peut-on raisonnablement souhaiter un « joyeux temps des Fêtes » sans se faire regarder de travers ? Je préfère ne pas me prononcer par peur de l’approximation. Toujours est-il que pendant ce temps des Fêtes qu’on nous souhaite joyeux, toutes les activités autres que le magasinage sont suspendues. Pas de cours de russe, de yoga, de badminton ou de flamenco susceptible de nous détourner du chemin des magasins : toutes les sessions s’arrêtent fin novembre et reprennent mi-janvier.
Pas de temps des Fêtes qui se respecte sans chants de Noël. Tous ces magasins où l’on attend le consommateur comme le Messie, qui lui arrivera seulement dans quelques semaines, diffusent en boucle d’abominables mièvreries comme « Le petit renne au nez rouge » ou, comme je le mentionnais l’année dernière, le cœur au bord des lèvres « Au royaume du bonhomme hiver ». Cette sélection musicale n’est pas destinée à nous rendre malade (c’est seulement un effet secondaire) mais à nous informer que nous sommes entrés dans le « temps des Fêtes » et qu’il faut désormais acheter profusion de chocolats, cartes de vœux, guirlandes et bougies. Tout compte fait c’est sans doute ça le signal indiquant qu’on peut sans honte souhaiter un « joyeux temps des Fêtes » à la caissière.
Le temps des Fêtes est également le moment idéal pour en mettre plein la vue aux voisins. Le « tuning de maison », j’appelle ça. Sur la façade, des guirlandes lumineuses et clignotantes, sur le toit, le traîneau du père Noël et sur le balcon un bonhomme de neige gonflable et gonflé qui salue les passants grâce à un ingénieux système de ventilation, et, si on fait vraiment les choses bien, une reconstitution de la crèche grandeur nature. Le tout pour la modique facture d’électricité de 100$ par mois. Mais le temps des Fêtes n’est pas le temps de la radinerie. Le bonheur n’a pas de prix. Ni de coût.
Le temps des Fêtes n’est pas une bonne période pour critiquer la société de consommation ou dire qu’on a une sainte horreur des bougies dorées. Il est en revanche recommandé de trouver « incroyable » la décoration personnelle de la standardiste, qui a collé des guirlandes partout ou « tellement drôle » untel autre qui ne se déplace plus sans son bonnet de père Noël. Pendant le temps des Fêtes le portefeuille travaille dur mais pas l’esprit critique.
A bon entendeur, salut !
Aurélie, deux guirlandes pour le prix d’une ? Ok j’achète !