Crôaaaa…
Cela faisait longtemps que je passais devant sans oser entrer… Cette fois ça y est : j’ai franchi le seuil de Cruella. Cruella c’est un magasin thématique situé avenue du Mont-Royal, offrant vêtements, chaussures, accessoires et objets en tout genre à une clientèle plutôt blafarde, les yeux et les lèvres souvent peints en noir. « Le sanctuaire gothique », telle est la précision que le magasin apporte à son nom. En trame sonore, Sisters of Mercy. Ça me rappelle ma jeunesse ! Dans le fond du magasin, la mort en personne, cape sur l’épaule, capuchon sur la tête et faux à la main, veille sur nous de tous ses os, dûment clouée au mur. Ricanant, envahi de serpents, intégré à un paysage d’apocalypse ou servant de trône à une gargouille cornue, le crâne est à l’honneur. La variation du thème est infinie et se décline en de multiples accessoires, comme les bougeoirs, les miroirs, les porte-encens, les porte-serviettes, les range-CDs, les boîtes à bijoux, les jeux d’échec et autres coupe-papier.
Je lorgne avec inquiétude un poignard long de 30 cm, orné de motifs volontairement terrifiants. J’espère ne jamais croiser la route de son acquéreur… Autres éléments décoratifs récurrents : - les squelettes, fers aux poignets, portant, gravées dans l’os, les marques de la souffrance ; - Lucifer en personne, avec sabots, queue fourchue et cornes, l’air fort peu avenant (mais est-il besoin de le préciser ?) ; - quelques membres de la famille de Dracula ; - les serpents, de préférence gueule ouverte ; - les dragons, plus y a d’écailles mieux c’est. Tous les vêtements sont résolument noirs, parfois ornés d’une pointe de rouge. Beaucoup de dentelle, de rivets, de fermetures éclair, de latex. Je découvre que le chapeau melon n’est pas démodé et que la cape façon 19e siècle à Londres est une valeur sûre. La canne aussi semble avoir toujours ses amateurs. Un crâne transpercé d’un os attise ma curiosité (mais pas ma convoitise). Il s’agit en fait d’un balai à chiottes. Le crâne comme support, et le tibia comme manche. Bon je l’avoue, sur ce coup-là, je n’ai pas pu m’empêcher de rigoler. Mais pas trop fort : je ne voulais pas me faire remarquer. Autres accessoires insolites : des pansements imprimés de têtes de mort (les clients ont le souci du détail) et des poupées gothiques, brrrrr…
Chez Cruella, rien n’est laissé au hasard. Un certain nombre de chaînes pendent du plafond, les rideaux des cabines d’essayage sont en latex noir clouté, et plusieurs cercueils font office de présentoirs. C’est cosy un cercueil en fait.
Les sacs en plastique dans lesquels on emballe nos achats (eh oui j’ai acheté un truc !!) arborent un diable rouge, cornu et ailé, la typographie adoptée dégouline, comme le sang du coin de la lèvre d’un vampire, la carte du magasin, également noire et rouge, est ornée d’une chauve-souris et la facture est en forme de cercueil.
« Le conformiste est la mort de l’âme ». Telle est la devise de Cruella. Pourtant, force est de constater que les vendeurs et les clients du magasin ont comme un air de famille. Je ne pense pas que quiconque oserait se pointer à une soirée gothique bronzée et en robe de plage… mais peut-être que je me trompe ? Prenez soin de vous comme j’ai décidé de prendre soin de moi !
Aurélie, anticonformiste en tongs (gougounes).